Empire romain - les flaviens et les antonins

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Notes: 
  1. Les dates avant notre ère sont notées BC (before Christ) et celles de notre ère sont notée AD (anus dei) pour des raisons de simplicité.
  2. Nous avons tiré les événements concernant l'Empire romain de Rostovsteff, L'histoire économique et sociale de l'Empire Romain, nous ne partageons pas toutes ses options historiques mais utilisons le formidable travail de synthèse qu'il a fait.

 

 IV Les Flaviens et les Antonins (68 AD - 192 AD)

Résumé

Cette période voit une certaine prospérité, une relative stabilité politique de l'empire mais la dualisation de la société, la concentration des richesses rendent la machine économique moins efficace et en compromettent la pérennité. La propriété foncière est d'ordre lucratif ce qui, là aussi, comme aujourd'hui, menace la continuité de la production agricole. 

Pour lutter contre la crise économique endémique, les empereurs essaient le rachat et la redistribution des terres (impossible parce que cela coûte trop cher), la fermeture des frontières (pour éviter l'émigration d'Italie) ou les impôts exceptionnels qui frappent les plus riches. Comme les causes économiques du marasme (concentration et propriété lucrative) ne sont jamais remises en cause, les tenanciers continuent à (mal) travailler les terres de leur propriétaire pour des produits destinés à la vente quand des paysans vivriers auraient remplis leurs assiettes.

Les salaires aussi étaient absolument inexistants pour la plupart de la population (les paysans) ou extrêmement faibles (pour les ouvriers, les prolétaires ou les esclaves).

Les impôts et les services de corvées obligatoires n'ont jamais suffi à surmonter le marasme économique.
L'incapacité des empereurs successifs à surmonter la crise économique devait aboutir à un pouvoir militaire absolutiste.
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Contexte

Le recrutement de l'armée se fait dans la bourgeoisie de tout l'empire.

La bureaucratie se développe. Des Provinces s'urbanisent. L'accès à la citoyenneté romaine s'élargit dans les provinces largement romanisées.

Vespasien réorganise les vastes domaines agricoles impériaux.

La situation sociale était explosive - émeutes ou manifestations - dans les nombreuses cités en voie d'urbanisation en cas de disette ou de famine, ces cités passaient après les besoins de l'État ou de l'empereur.

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Ébauche de redistribution sociale et d'impôt: du pain et des jeux

Évergétisme et organisation de jeux pour distraire les prolétaires de leur ressentiment. Ces jeux étaient offerts par les magistrats et par des riches citoyens ou par la cité contrainte de les organiser pour éviter tout soulèvement. La cité mettait alors naturellement les citoyens les plus riches à contribution: il fallait verser une certaine somme (la summa honoraria) pour avoir l'honneur d'être magistrat ou d'occuper un quelconque poste honorifique. En cas de famine, les riches contribuaient au ravitaillement et distribuaient parfois du pain.
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Accumulation

L'accumulation de richesse se fait entre des mains plus nombreuses. Les citoyens riches ne plus exclusivement romains et, quand ils sont italiens, ils viennent aussi de province. Les nababs du Ier siècle BC ou les multi-millionnaires de l'aristocratie urbaine de l'ère julio-claudienne ont cédé le pas à une haute bourgeoisie moins riche, moins concentrée sur la ville de Rome.

Il s'agissait de capitalistes répandus dans l'Empire, ce n'était plus des propriétaires fonciers.

La concentration de la propriété foncière s'étend à l'empire dans son entièreté et non plus à la seule Italie entre les mains de quelques propriétaires, notamment de l'empereur. Les petits propriétaires disparaissent dans l'empire, les petits propriétaires deviennent des tenanciers. La concentration de la propriété fait stagner ou reculer les techniques agricoles.

La population rurale paysanne demeure majoritaire, ils dominent en nombre les artisans, les esclaves ou les prolétaires et les bourgeois urbains. Cette population rurale connaît des conditions de vie très simples. Les paysans sont souvent accablés d'impôts et sont victimes de la brutalité des autorités. Ils sont déconsidérés socialement.

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Croissance

Globalement, la période se caractérise par une croissance économique et une paix rarement troublée. Mais, sur les marches, à mesure que les ennemis s'approchaient, l'empire a dû renouer avec sa politique d'extension et d'urbanisation des marches fraîchement conquises [notamment la conquête de la Dacie par Trajan]. Cette politique a mobilisé les moyens matériels et humains de l'empire, elle a poussé à augmenter les impôts.

L'augmentation des impôts - essentiellement acquittés en blé - tend la situation sociale.

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Déclin et crise agricole

L'Italie est confrontée à la dépopulation et à la baisse de la production agricole. Nerva s'est efforcé de repeupler le pays en redistribuant les terres aux plus pauvres mais cette opération était trop onéreuse et ne put être réalisée à grande échelle: les Romains n'avaient plus de perspective dans leur pays.

Trajan a alors favorisé le crédit pour stimuler la spéculation sur les terres, ce qui devait augmenter la demande de tenanciers, de bras pour défricher les terres abandonnées. Des avantages - frais d'éducation des enfants du prolétariat italien - sont concédés dans la péninsule afin de prolonger sa domination impériale. Trajan crée aussi un corps de fonctionnaires mais toutes ses mesures ne font que ralentir le déclin italien.

Des tensions centrifuges (Bretagne, Égypte, Maurétanie, les Juifs en Mésopotamie, en Palestine ou Cyrénaïques) se font jour et mobilisent les forces des cités impériales incapables d'y faire face.

Hadrien doit alors abandonner (ou geler) les conquêtes de son prédécesseur.

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Défaut partiel

Hadrien allège les frais d'occupation, il décentralise le recrutement de l'armée et confie la défense des limes aux autochtones. Il remet partiellement les dettes et les arriérés des cités au fisc romain.

La levée des impôts est confié aux chevaliers, classe formée et contrôlée.

Hadrien favorise les petits propriétaires de parcelles paysannes au détriment des tenanciers. En Égypte - grande puissance agricole alors - il distribue une partie des terres de l'État en petits lopins. Mais cette politique ne semble pas avoir duré dans le temps.

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Conquête, impôt et crise

Marc-Aurèle reprend les conquêtes, en Germanie, et est contraint de lever de nouveaux impôts.

La crise économique - en dépit de tous les efforts des empereurs successifs - s'installe durablement et s'approfondit au cours du IIe siècle AD. Cette crise épargne les marches qui sont en pleine croissance jusqu'au milieu du IIIe AD.

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Urbanisation et dualisation

Le pouvoir pousse à l'urbanisation - ce qui augmente la charge de travail des ruraux pour les nourrir. La population de l'empire se divise en deux grandes classes: les dirigeants et les dirigés; les bourgeois et la classe laborieuse; les propriétaires fonciers et les paysans; les patrons d'échoppe et les esclaves.

Le fossé entre ces deux classes ne cesse de s'approfondir à mesure que l'empire s'urbanise. Les dirigés deviennent toujours plus opprimés et les dirigeants toujours plus oisifs.

Le mode de redistribution de la richesse est l'impôt dans le système de la 'liturgie' (λειτουργία, service du peuple) quand les impôts ordinaires ne suffisaient plus à remplir leurs offices. L'individu (riche) était alors responsabilisé par rapport aux devoirs de l'État, au devoir de charité, à la corvée envers les pauvres.

Les offices des fonctionnaires étaient des liturgies et n'étaient donc pas payés, ne généraient aucun salaire. Dans les régions pauvres, il était souvent difficile de trouver des volontaires pour remplir les fonctions - il fallait parfois avoir recours à la force. Les plus riches sont chargés de collecter les impôts. Les impôts touchent les tenanciers.