Concurrence

Messieurs, il n’y a qu’un moyen d’abolir la guerre entre les peuples, c’est abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie — qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille — un régime de concorde sociale et d’unité. J. Jaurès

  • Ouverture

PhotoLe travailleur essaie de maintenir son salaire total par unité de temps en travaillant davantage, soit en travaillant un plus grand nombre d'heures ou en produisant davantage par unité de temps. Donc, pressé par le besoin, il multiplie lui-même les effets désastreux de la division du travail. Le résultat est que plus il travaille, moins il gagne. Et c'est à cause de cette raison toute simple : plus il travaille, plus il entre en compétition avec ses camarades travailleurs, plus il les contraint à entrer en compétition avec lui et pour s'offrir les mêmes conditions dégradées que lui ; de telle sorte que, en dernière analyse, il entre en compétition avec lui-même comme membre de la classe des travailleurs.





  • Le menu



Dans la vulgate libérale, la concurrence permet au meilleur de l'emporter. C'est par elle que passe 'la main invisible' du marché qui va régir nos activités au mieux des intérêts communs.

Dans les faits, du point de vue de l'emploi, nous sommes obligés de constater que les choses ne se passent pas tout à fait comme cela. Si, dans un premier temps, on peut avoir une niche, une innovation particulière qui permet à une entreprise donnée de faire de plantureux bénéfices sans concurrence, dans un second temps, quand la concurrence joue, les entreprises vont se livrer une guerre entre elles en baissant les prix.

Pour baisser les prix et l'emporter sur la concurrence, il faut diminuer la valeur ajoutée et, pour ce faire, réduire l'un des postes qui la constitue.

- Soit on diminue les dividendes. C'est une solution de dernier recours puisque, du point de vue des propriétaires des entreprises qui décident de la nature de l'activité et de son organisation, cette solution rend leur investissement moins intéressant.

- Soit on dégrade la qualité du produit vendu en utilisant des matières premières de moins bonne facture, en réduisant les frais de fabrication, ce que, en comptabilité, on appelle les consommations intermédiaires. Cette solution a pour inconvénient de faire fuir les consommateurs à long terme. Elle n'est donc pas tenable dans la durée sauf pour ce qui est de l'externalisation des coûts: l'entreprise la plus polluante (celle qui consacre le moins d'argent à prévenir les dégâts écologiques que son activité pourrait générer) retire un avantage concurrentiel.

- Soit on comprime les salaires. C'est toujours cette solution qui a la faveur des propriétaires. La compression des salaires peut impliquer
  1. une augmentation de la production par unité de temps par travailleur, 
  2. une réduction des salaires bruts
  3. une réduction des salaires sociaux
  4. le recours à l'emploi au noir (ce qui réduit les salaires sociaux et individuels), l'augmentation de la durée de travail par salarié sans compensation salariale (heures sup' gratuites obligatoires, non indemnisation des trajets, des déchargements, etc.)
  5. une pression accrue sur la production horaire, ce qui implique un management par la haine, une dévalorisation des prestations de l'employé, une pression à faire vite, des injonctions paradoxales (faire vite mais faire bien, ce que l'employé doit traduire par faire vite et cacher les malfaçons)
  6. recours à la main d’œuvre flexible, aux contrats précaires. Surexploitation d'un personnel en 'turn-over' permanent: les travailleurs s'épuisent rapidement à la tâche et sont remplacés constamment par des chômeurs en besoin de salaire. La sécurité sociale doit couvrir les soins et l'incapacité de ces malades produits par les pratiques managériales
Comme, du fait de la concurrence, toutes les entreprises ont les mêmes pratiques, l'avantage final est nul puisqu'elles sont finalement contraintes de réduire le prix de vente de leurs productions plutôt que d'augmenter leurs marges. Par contre, l'entreprise à la pointe de ces pratiques, celles qui les mettra en œuvre le plus rapidement et le plus complètement en retirera un avantage concurrentiel relatif.

La concurrence ne récompense donc pas les entreprises les plus efficaces mais celles qui maltraitent le plus leurs employés et celles qui parviennent à externaliser leurs coûts - notamment écologiques et sociaux - sur le contribuable ou sur la sécurité sociale.

C'est pourtant cette concurrence qui est gravée dans le marbre des institutions européennes, c'est cette concurrence que veut favoriser le futur traité transatlantique négocié dans le plus grand secret entre les États-Unis et l'Europe (voir cette émission de radio, par exemple).

Vu qu'il s'agit de favoriser la maltraitance des salariés (employés, ouvriers, chômeurs, retraités, etc.) qui constituent la grande majorité du corps social de ces pays, vu qu'il s'agit de supprimer toute entrave au pillage des ressources dont nous avons tous besoin au profit d'une activité lucrative pour une infime minorité, on peut comprendre cette discrétion.