Pic Pétrolier

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Selon certaines informations fort bien étayées, l'ère du pétrole arrive à sa fin (voir http://petrole.blog.lemonde.fr/, par exemple). L'extraction de cette forme d'énergie l'épuise sans qu'elle ne se renouvelle.

Sans nous prononcer sur la pertinence des scénarios du 'pic pétrolier' ou même de la fin du pétrole, sans nous engager sur un calendrier de la chose, nous avons voulu examiner les conséquences possibles sur le monde de l'emploi - si un plan B était trouvé pour remplacer le poisseux liquide comme source d'énergie, nous aurons simplement perdu un peu de temps en conjectures, par contre, si le scénario de la fin du pétrole devait se vérifier, il serait bon d'anticiper les choses du point de vue qui nous préoccupe: l'emploi.

Le pétrole concentre l'énergie à très haute dose. Il est utilisé dans l'agriculture, la (pétro)chimie ou les transports. Du point de vue de l'économie productive, il a pris une place de choix dans les transports, la production d'énergie électrique, le chauffage, l'agriculture.

  • Agriculture

La fin du pétrole signifie la fin de l'agriculture industrielle. Sans pétrole, plus de gros tracteurs, plus de grosses moissonneuses-batteuses, plus d'engrais ou d'insecticide non plus puisque ces produits sont issus du pétrole.

Les rendements agricoles, la production agricole risquent de s'effondrer en cas de disparition du pétrole. Cet effondrement ne sera pas accompagné d'un effondrement de la demande, des besoins alimentaires.

Pour accompagner la fin du pétrole sans dégât, les exploitations agricoles devront nécessairement diminuer de taille, elles devront se multiplier et devront recourir à des techniques agricoles sans pétrole (genre permaculture) à rendement élevés. Ces techniques existent. Faute de cette adaptation, les populations sont condamnées à la disette à côté de terres géantes en friche comme les Anglais au XVIIIe (ici) ou les Brésiliens d'aujourd'hui. Ce problème est fondamentalement économique, ce n'est pas un problème d'argent.

Au niveau de l'emploi, il est clair que ces politiques de transition agricole, si elles sont adoptées - et il faut espérer qu'elles le soient pour qu'on puisse continuer à manger - comme après les grandes épidémies au moyen-âge, l'augmentation de la demande de main d’œuvre changera le rapport de force sur le marché de l'emploi. Les employés seront rares, recherchés, demandés alors que les employeurs auront un besoin impératif d'investir dans l'emploi. Par ailleurs, le prix, la valeur ajoutée produite par le secteur (les prix agricoles augmenteront) va exploser. L'augmentation des prix agricoles imposera une répartition des richesses produites faute de quoi, la disette menacera la majorité de la population. Dans une situation de famine presque générale, la productivité s'effondre et, avec elle, la société telle que nous la connaissons. On ne voit pas alors ce qui garantirait quelque propriété que ce soit.

Par contre, si l'augmentation des prix agricoles est accompagnée d'une distribution de la richesse, elle peut être indolore pour les producteurs et synonyme de demande d'emploi patronale.

Le devenir de l'agriculture est donc un enjeu éminemment politique du point de vue des producteurs. De la lutte, du rapport de force que nous serons capables d'induire ou non, sur lequel nous surferons ou non, dépend notre prospérité commune, dépend la forme de civilisation, de société qui peut émerger de la fin du pétrole.



Le secteur va complètement changer. Sans pétrole, sans énergie de substitution (c'est-à-dire dans le cas de figure que nous examinons ici), le secteur s'anémie. Plus de flux tendu, plus de cargo, plus de trente-nuit tonnes, plus de délocalisation, du coup, plus de division extrême du travail.

La relocalisation de l'économie offre une opportunité a priori, celle de limiter drastiquement le cadre de la concurrence. Or, on pourrait croire que moins il y a de la concurrence, plus les producteurs peuvent s'affranchir de l'employisme, du chantage à l'emploi et peuvent récupérer du salaire. Cette idée n'est vraie que si le rapport de force entre propriétaires et producteurs impose un cadre légal, une limite à la propriété lucrative. Ce rapport de force n'est absolument pas évident au niveau local, il faut l'établir - comme la société du transport gratuit impose de l'établir au niveau mondial. Pour un employeur, il est possible d'opposer les travailleurs de Verviers et d'Eupen, des bourgades distantes de quelques kilomètres, comme il oppose aujourd'hui les travailleurs du Bangladesh et de Picardie.

C'est dire que la fin du pétrole ne signifie pas la fin de l'emploi. Elle représente à coup sûr une opportunité pour les producteurs dont les bras deviennent précieux et peu délocalisables, elle constitue aussi un danger pour les consommateurs, pour les populations, pour les besoins humains. Ce danger peut servir d'aiguillon de la nécessité, il peut contraindre les producteurs à accepter l'inacceptable sous la menace de la faim.