Marchandise

La marchandise est une réalité quotidienne dont la nature échappe souvent du fait de son évidence-même.

Il s'agit d'un bien ou d'un service. La marchandise peut être matérielle ou immatérielle. Dans tous les cas, elle concentre du temps de travail humain sous forme de valeur économique.

  • La logique de la marchandise

Les marchandises sont dotées d'une dimension, d'une qualité supplémentaire. Outre leur poids, leur nature, leur odeur, leur taille, elles sont également affligées d'une valeur économique. Cette valeur économique, dite valeur d'échange, rend toute marchandise interchangeable: telle quantité de la marchandise A vaut telle quantité de la marchandise B. Cette propriété supplémentaire rend les marchandises comparables et ce quelle que soit leur nature par ailleurs, quel que soit l'attachement dont elles peuvent faire l'objet.

C'est dire que, au-delà de la matérialité de l'objet (ou de la nature du service), la marchandise s'inscrit dans une logique particulière. Dans la mesure où la comparaison, l'interchangeabilité de toute marchandise devient la cause de sa fabrication, la logique de la marchandise s'incarne dans la marchandise.

La propriété supplémentaire, la notion de comparabilité des choses produits, induit une logique, une causalité. Elle détermine la production, puis les conditions de la production et enfin, la consommation et les modalités de la société de la marchandise.

Cette propriété prend alors le pas sur les autres propriétés: on ne fait plus un bien, on ne preste plus un service pour les qualités intrinsèques du bien ou du service; on le fait parce qu'il a une valeur économique. Cette motivation de l'acte productif - la valeur économique associée au bien ou au service - va modeler l'outil de production, la nature de la production, le management, la gestion de la production et va définir le bien produit, va construire les attentes en terme de travail, elle va déterminer les critères d'appréciation du travail: ne sera plus bon ce qui est bon, utile, gai à faire, beau mais ce qui vaut. On ne fera pas ce qu'on aime faire ni ce qu'on fait bien, on fera ce qui rapporte.

En termes marxistes, on symbolise la logique de la marchandise par M-C-M' avec M', la valeur augmentée de la nouvelle marchandise issue de l'investissement d'un capital C dans une marchandise M (et, dans cette marchandise est inclus du travail). Cette équation temporelle: existence de matières premières, investissement dans un capital puis transformation en nouvelle marchandise - c'est là que réside le chiffre de l'opération, le principe causal de l'opération, ce qui va en déterminer la nature, les modes et l'organisation - qui vaut davantage. Il y a plus-value possible dans la marchandise, ce qui en détermine la logique, le mode de production.

  • Marchandise et mode de production

Les marchandises sont soumises à concurrence. Ce qui en fonde finalement la valeur, c'est le temps humain de travail vivant qu'elles cristallisent. Ceci affecte le travail: l'inutile en est banni, le beau, la flânerie, le temps de réflexion deviennent les ennemis mortel de l'utilitarisme productif. L'efficacité devient la productivité, c'est-à-dire la capacité à générer de la valeur ajoutée par unité de temps. Pour la maximiser, on va mettre en œuvre toute sorte de managements, on va gérer le personnel comme on gère un bien de famille pour en tirer le maximum de profit.

De même, l'acquéreur sera pris dans cette logique de la marchandise. Il devra en jauger le prix, intégrer cette donnée dans sa stratégie d'acquisition.

Comme le producteur devra vendre le bien ou le service devenu marchandise, il devra pousser le consommateur à l'acheter. C'est alors la mise en scène de la publicité et l'euphémisation de la production, c'est alors dans les médias de masse, l'invention d'un monde en carton-pâte où le profit recherché est toujours tu, où la fabrication de la marchandise est toujours ou niée ou romancée mais toujours cachée, où le moteur de la logique de la marchandise est toujours étouffé sous des logiques assez créatives de manipulation mentale.

Las, in fine, le consommateur ne dépensera que ce qu'il a, son salaire

  • Mode de production vs mode de gestion

La logique de la marchandise, la logique des institutions capitalistes de la valeur, de l'emploi ou du crédit déterminent le mode de production - qui va produire, pourquoi, comment et selon quelles modalités. Le fait que des équipes aient une marge de manœuvre dans certains modes de gestion de la production ne change pas l'organisation de la production, les institutions, le travail abstrait qu'elle met en œuvre.

On peut s'installer comme indépendant ou comme société coopérative, on peut nationaliser l'outil de production en en attribuant la propriété à des fonctionnaires-gestionnaires. On peut, alors, gérer sa production de manière plus humaine, plus respectueuse de l'environnement mais, dans cette production, on demeure dans le mode de production capitaliste du fait de la concurrence:

- On produit et on vend des marchandises.

- On crée de la valeur ajoutée dans la mesure où le prix et les frais diffèrent.

- Cette valeur ajoutée est finalement fonction du temps humain de travail vivant.

- Les pratiques de production, le travail concret, seront déterminées par la concurrence, elles devront être comparables en terme de prix et donc de valeur ajoutée à ce qui se fait ailleurs.

De ce fait, le mode de production demeure inchangé, quel que soit le choix de gestion. La logique de production demeure dans ce qu'elle a d'inhumaine, d'improductive ou de prédatrice, aussi bien intentionnés que soient les actionnaires, le propriétaire, le travailleur indépendant ou les coopérateurs.