Cette phase ressemble à s'y méprendre aux impératifs de productivité, à ce qui est demandé aux employés : frénésie productive, enthousiasme pour la boîte-mère, conduites compensatoires du week-end, violation des tabous, consommation de stupéfiant (alcool, coke …). Ces conduites se manifestent dans toutes les strates de la société, notamment chez les cadres, et sont liées à un management impitoyable.
Mais revenons à nos pères de l'église. Les études se sont alors succédé au moyen âge et les auteurs parlent de '« cœur dévié, vain et vagabond » d' « esprit instable, errant et fugitif, se tournant de tous côtés, flottant de tous côtés », voulant et ne voulant plus, changeant d'avis, alternant ses désirs, « comme une feuille soulevée par le vent tourbillonnant ». Alors, les « paroles importunes, frivoles et nuisibles, l'instabilité du mouvement de l'esprit et des actions du corps, l'inquiétude également, s'accumulent comme une armée en rangs serrés'. Wikipédia, toujours.
Sans prétendre à l'archéologie médicale, nous avons une hyper-sensibilité, une hyper-sollicitation, une hyper-mobilisation et des mouvements frénétiques. Dans un second temps, les pères de l'église décrivent un état de prostration, une incapacité à poursuivre l'hyperactivité. C'est cet état qu'ils nommaient l'acédie et que Wikipédia résume de la sorte :
… 'l'état acédieux comporte un ensemble de symptômes qui constituent la sémiologie dépressive classique : perturbations affectives, cognitives, conatives, mais aussi troubles somatiques.
On notera, par exemple, que, à l'instar de la dépression, l'état acédieux se caractérise par une incapacité à prendre du plaisir, une fatigue chronique, un isolement social, une tristesse, une incapacité à la concentration, aux raisonnements intellectuels suivis et même un amoindrissement des capacités langagières.
Pour ceux qui connaissent le burn-out de manière clinique ou personnelle, la comparaison s'impose, entre les descriptions d'Evagre, Cassiens, Bernard de Clervaux ou Adhelme et leur propre expérience. D'abord une mobilisation extrême puis, suite à la sollicitation excessive de l'esprit, un effondrement dans le désintérêt (l'anhédonie, c'est le fait de ne prendre de plaisir à rien – rappelons que nous parlons d'un état mental que l'église considérait comme un péché), la confusion et la fatigue.
Ce qui est intéressant dans cette histoire, c'est que l'interdit, le péché du moyen-âge est devenu un impératif économique, une obligation de société – et je gage que d'autres textes d'autres religions abondent dans le même sens. Pour autant, le côté criminel de ces comportements demeure et son lien aux modalités d'exploitation de la main d'œuvre dans l'emploi est patent. Ce modèle, le cadre sans pitié, sans sommeil, investi dans son travail à 200 %, prêt à tout pour gagner (pas quoi, combien!) est devenu le parangon de la réussite sociale, alors qu'il atteste une pulsion d'auto-destruction mortelle, c'est-à-dire, selon les pères de l'église, un péché.