Incapacité

  • Définition officielle.

Se dit de quelqu'un qui ne peut, du fait de son état de santé ou de ses handicaps gagner de l'argent du fait de ses propres activités lucratives.

  • Notre définition.

À l'exception des sociopathes, tous les producteurs sont inaptes à 100% à produire dans le cadre de la convention capitaliste de l'emploi. Il se peut qu'ils masquent leur inaptitude au prix de séquelles psychosomatiques plus ou moins graves, au prix de leur vie privée, de leur potentiel ou de leur qualification.

Tous les producteurs sont aptes à 100% à produire de la valeur économique aussi bien que de la valeur d'usage. Un système économique mal adapté, une chrématistique des activités humaines bride ces potentiels infinis, inouïs. Une bonne intelligence économique devrait valoriser ces qualités, ces qualifications en dehors de toute quantification temporelle de l'activité.

Si certains producteurs sont payés pour ce qu'ils savent faire et pour le faire, c'est de manière fortuite, accidentelle. Nous nous félicitons de l'existence de ces niches et appelons à leur universalisation. Il nous faut néanmoins constater un décalage entre les aspirations des employés et ce qui leur est demandé.

  • conséquence
Avant toute chose, pour éviter tout malentendu, je tiens à préciser que je parle avec le point de vue de quelqu'un qui est classé comme invalide.

Les personnes classées comme invalides ou handicapées par la médecine du travail permettent à tous les producteurs la reconnaissance de trois points cruciaux.

D'abord, les équipements adaptés - et dans la notion d'équipement, on peut inclure les rythmes de travail, le respect des impératifs du corps ou du psychisme humain - profitent à tous les producteurs. Exemple de base: un passage pour piétons équipé pour les fauteuils roulant permet aussi ... le passage de poussettes ou de caddie.

Ensuite, la nature humaine dans sa fragilité et sa complexité est révélée par la présence de gens 'hors concours', hors compétition dans le marché du travail. Notre improductivité renvoie l'image d'un humain nu, sans justification, sans masque social, sans verni de respectabilité, de rentabilité, de légitimité capitalistes. Cette absence de verni reflète l'image de l'humanité 'non productive', 'non légitime' de ceux qui ne sont pas étiquetés comme cela. Partant, la seule présence de personnes en incapacité rappelle utilement à leurs prochains leur commune humanité ; elle recentre la vie autour de ... la vie.

Enfin, l'existence d'êtres plus faibles, moins autonomes contribue, de manière générale au lien humain et à la construction d'une identité locale, d'une société. C'est un phénomène dont j'ai moi-même été témoin dans mon quartier - j'habitais à côté d'un home pour handicapés. Ils tissaient des liens entre les habitants et effectuaient un travail gigantesque de force sociale centripète, d'habilitation du quartier qui, sans eux, eût été un morne dortoir. Ce faisant, ils rendaient le quartier sûr (on ne devait pas y fermer les portes), agréable, convivial. En termes économiques, tout le monde se félicitait de leur présence puisqu'ils évitaient le recours hasardeux à de coûteux agents d'ambiance et qu'ils contribuaient à la valorisation immobilière des biens locaux.

De même, une amie du bled évoquait un personnage un peu simple, accueilli par tous, au gré de ses envies, un personnage dont la seule présence rendait assurément le groupe-village plus uni, plus amène. C'était une figure qui, en quelque sorte, incarnait ledit bled, qui lui donnait si ce n'est un visage en tout cas une âme.

  • L'invalidité comme forme de vie, exemple des cuillers

Pour être complet, j'aborde également le problème du handicap ou de l'incapacité sous l'angle de la vie hors emploi.

Une image de l'invalidité comme forme de vie nous est donnée par une intéressée. Ce n'est pas que les invalides ne soient capables de rien, c'est que tout ce qu'ils font leur coûte.

L'image des cuillers est celle du coût: chaque matin, on a droit à - disons - douze cuillers. À chaque activité, on perd une cuiller. On se lève, une cuiller, on mange, une cuiller, on prend le bus, une cuiller, etc.

La plupart des gens ont des cuillers en quantité infinie alors que le handicap, l'invalidité limite le nombre de cuillers. Du coup, on les compte, on hésite à s'en servir, on réfléchit à la moindre activité, au moindre effort.

Toute entreprise devient alors un choix cornélien parce qu'elle implique de nombreux renoncements.