Propriété

La propriété d'un objet, d'un outil de production, de droits, de patente, de service, d'une marque peut avoir plusieurs acceptions différentes.

  • Propriété d'usage (usus)

Droit d'utiliser une chose, un bien ou un service, mobilier ou immobilier, matériel ou non, pour ses propres besoins. Ce droit est exercé par un individu ou un groupe à l'exclusion de toutes les autres personnes. Ce type de propriété, ce droit d'usage exclusif, est nécessaire. Il doit même être étendu à la sphère productive, les producteurs doivent devenir les propriétaires d'usage de leur outil de production.

  • Propriété de détruire (abusus)

Permet au propriétaire d'abuser des choses qu'il possède, de les détruire.

  • Propriété lucrative (fructus)

Permet au propriétaire d'empocher le fruit de sa propriété. Il peut s'agir de loyer, de plus-value liées au salariat ou de profits spéculatifs, peu importe. L'idée, c'est que ce que rapporte la chose, le bien mobilier ou immobilier, la patente, le droit de propriété appartient au propriétaire. Ce type de propriété organise l'emploi puisque le propriétaire lucratif achète le travail par l'emploi et les fruits, les bénéfices qui en découlent.

Le droit de s'approprier les fruits du travail humain correspond à une propriété lucrative étendue au temps humain, ce qui n'est pas sans poser des problèmes éthiques, religieux, métaphysique. Pour les croyants, le temps appartient à Dieu, l'emploi, propriété lucrative du temps humain, est donc assimilable à un vol de la propriété de Dieu et à son commerce (il s'agit de simonie). Pour tout le monde, l'utilisation du temps humain à des fins non humaines (le fructus, le lucre) constitue une position anti-humaniste radicale.

On peut distinguer des intérêts opposés au sein de la propriété lucrative - intérêts dont les intéressés, si je puis dire, ne sont pas nécessairement conscients: les propriétaires mobiliers ont intérêt à stimuler les salaires car les loyers sont prélevés sur les salaires alors que les propriétaires mobiliers sont liés à la part des dividendes dans la valeur ajoutée. Les premiers ont intérêt à favoriser le salaire dans la répartition primaire de la valeur ajoutée alors que les second ont intérêt à favoriser les dividendes au sein de la valeur ajoutée. Ces intérêts sont opposés et incompatibles.

Par ailleurs, la propriété peut être le fait de propriétaires différents:

  • Propriété privée

La propriété privée permet à un particulier - ou à une assemblée de particuliers - d'avoir la mainmise sur un bien ou un service. Ce sont ces propriétaires qui se rendent coupables de simonie ou d'anti-humanisme quand elle a un caractère lucratif.

  • Propriété publique

La propriété nationale est le fait d'une nation. Dans le cas d'une nation démocratique, les électeurs vont assumer le rôle de propriétaire ou contrôler la façon dont les élus s'acquittent de ce rôle. 

Ce type de propriété n'empêche nullement la simonie ou le lucre anti-humaniste, qu'elle soit exercée de facto par un gouvernement tyrannique ou par des populations plus ou moins bien inspirées. En examinant EDF ou Total, force est de constater que l'État-actionnaire sait, à l'occasion, se montrer aussi avide que les rentiers privés.

  • Propriété sociale

Les propriétaires d'usage sont les propriétaires légitimes. La notion de fructus n'est plus un vol mais le fruit collectif d'une activité collective.