Finance (ou Ponzi)

  • Captation de la valeur de l'emploi

Source: Monde Diplomatique
Nous avons expliqué dans l'article valeur ajoutée comment se décompose la création de valeur. Une partie est attribuée au producteur qui a produit cette valeur (que ce soit sous forme de salaire individuel ou sous forme de salaire social) et une partie est ponctionnée par les propriétaires sous forme de dividendes et d'investissements.

La finance s'occupe de la partie 'dividendes' de la valeur ajoutée. Elle rêve de transformer les salaires sociaux (retraites ou chômage) en dividendes (retraite par capitalisation) pour élargir son champ d'action.

La valeur créée par le travail vivant sous forme de valeur ajoutée correspond à la création de biens et de services alors que les dividendes ne correspondent à rien du tout.

Comme les dividendes s'accumulent en fonction exponentielle, en intérêts composés, ils sont forcément une pyramide de Ponzi puisque la production de valeur ajoutée suit la courbe du temps d'emploi nécessairement linéaire.

Alors, comme dans toute pyramide de Ponzi, il s'agit d'organiser les jeux au mieux. On y adjoint des croupiers de luxe, on les flanque de médias serviles et de think tanks prompts à justifier l'injustifiable. C'est qu'il s'agit de rafler les mises avant que tout ne s'écroule dans la périodique destruction de valeur qui survient dans les cycles du capital.

Note sur Ponzi: inventeur des prêts en chaîne. Le premier emprunteur contacte dix prêteurs. Chaque prêteur peut à son tour contacter dix prêteurs et décuple sa mise, etc. La réaction en chaîne que cela entraîne fonctionne tant que tout le monde croit en la solvabilité du système, puis, quand les sceptiques se multiplient, les derniers venus ne trouvent plus de prêteurs et perdent leur mise et, par effet de ricochet, font écrouler le système dans son ensemble. Ponzi a inventé l'escroquerie en chaîne, celle qui s'effondre le jour où les gens cessent d'y croire.

Les produits dérivés, les produits assurantiels titrisés, les produits immobiliers relookés ou les fonds de pension errent dans les cieux de l'escroquerie en trois pièces chic et cher.

La valeur captée par les barons-voleurs sera toujours susceptible d'acheter des biens ou des services produits par des producteurs. Elle n'aura de valeur, si je puis dire, que dans la mesure où quelque part, ici ou ailleurs, un anonyme trempe sa chemise pour confectionner le produit acheté par le propriétaire-client.

La finance prend les dividendes volés aux employés pour devenir investisseur d'autres employés et leur demander ... de nouveaux dividendes avec cet argent volé. Au fond, les producteurs remboursent les investisseurs au nom d'une propriété abusive des actionnaires sur le fruit de leur travail. Le fruit de leur travail volé puis capitalisé devient la raison de leur exploitation.

Précisons que la finance agit comme n'importe quel propriétaire lucratif. Peu lui importe ce qui est fait, ce qui est produit, où c'est produit, comment et par qui, seul lui importe le retour sur investissement. Elle partage avec les actionnaires une mentalité ladre et boutiquière, elle partage avec eux une absence totale de tout sens moral, de toute considération humaine, une sociopathie clinique.
  • Captation de la valeur de l'endetté
Sachant que toute valeur n'est finalement assurée que par les capacités productives des producteurs, la finance se trouve d'autres sources. Les marchés immobilier, mobilier ou artistique sont des sources de plus-value virtuelle infinies. La valeur des biens mobilier est fonction de croyances collectives - à l'instar des valeurs mobilières ou artistiques.

L'acheteur a intérêt à ce que le bien acheté acquière de la valeur. Comme les acheteurs cultivent les comportements grégaires du fait de leurs intérêts identiques, ils augmentent - ou laissent s'effondrer - la valeur des choses investies en même temps et produisent des bulles spéculatives.

La valeur sert alors de frigidaire, de conservateur à valeur - ce qui est absurde au niveau macro-économique puisque la création de valeur dépend d'un travail vivant au moment de sa réalisation.

Cette pulsion de conservation, ce fantasme d'éternité de la valeur, si typique de l'appétit pour les métaux précieux ou pour la pierre, ne résiste pas à ce fait économique: l'argent que valent ces valeureux investissements ne vaut que tant qu'il y a quelqu'un pour produire les choses qu'on peut acheter avec cet argent.

Article de Trends Tendance sur les dettes immobilières
Mais la logique immobilière combinée à la déflation salariale, fruits d'une politique de guerre au salaire dite d'austérité, oblige les acquéreurs à s'endetter à l'infini.

Le jour où leur solvabilité atteint ses limites, les défauts se multiplient, affectent les produits dérivés et font exploser les bourses, engendrant une menace systémique.

La crise systémique, c'est quand tout le système de la valeur s'effondre. Il repose sur la foi, sur la confiance des différents acteurs dans la valeur des choses. Le jour où cette confiance s'envole, l'entièreté du système financier, monétaire (et du coup économique puisque l'économie a été captée par ces institutions) s'effondre. Le dollar ne vaut que par ce qu'on croit qu'il vaut. Le jour au Bank of America ne vaut plus rien, ses banques créancières ne vaudront plus rien non plus et, avec elles, leurs banques créancières et les organismes de crédit impliqués dans leurs créances. C'est alors que toutes les institutions financières, que toutes les institutions d'assurance cessent pour ainsi dire instantanément d'avoir la moindre valeur. L'argent disparaît, et les bourses, et les créanciers, et les assurances, et les retraites par capitalisation ...

En attendant, les endettés, producteurs essorés, auront dû travailler plus durement, plus longtemps, dans des conditions dégradées pour honorer leurs créanciers alors que, rappelons-le, toute valeur vient des producteurs et est accaparée par les banques ensuite.

Ce phénomène d'asservissement par la dette touche également les prêts étudiants, les prêts à la consommation (automobile, etc.).

Comme les dettes sont grevées de taux d'intérêt et qu'elles ne correspondent à aucun argent existant, elles finissent elles-mêmes par se transformer en pyramide de Ponzi, générant une crise systémique à échéance plus ou moins lointaine. Ces risques systémiques (et ces risques de guerre qui les accompagnent) ont poussé une frange éclairée du patronat à réguler la finance.

Ce mécanisme est imparable (à moins d'interdire l'usure), la seule question est de savoir quand il va survenir.

Troisième axe de travail de la finance, créer de la monnaie à partir de rien, la prêter et se la faire rembourser avec un taux d'intérêt.

Puisque, pour le marché immobilier, par exemple, la multiplication de crédits sans base monétaire fait exploser le prix des maisons,il s'agit de détourner une partie du salaire de l'endetté ou du producteur (via les intérêts des créanciers de son patron ou via des titres de propriété).

Soit, le financier recourt à la magie comptable de la création monétaire: il crée un compte au client-emprunteur, le crédite du montant de son emprunt et note cette somme dans ses passifs (puisqu'il doit la reverser au client endetté).

Par cette simple opération comptable, en créditant un compte créé, en augmentant actifs (la créance: l'emprunteur lui doit de l'argent) et passifs (la dette: la banque doit verser cet argent à l'emprunteur) fait exploser la masse monétaire en circulation sous forme de spéculation immobilière. Là aussi, il s'agit de plumer le producteur côté consommateur.

Note sur les prêts par levier, les Leverage buy-out. Le système de LBO permet à des institutions financières de prêter un argent qu'elles n'ont pas en prêtant l'équivalent de plusieurs fois la valeur de leurs avoirs par l'effet de levier.