Voiture de société

En Belgique, une proposition fait couler (un peu) d'encre pour le moment: il s'agit de taxer les voitures de société. L'exemption de taxe des voitures de société est un scandale fiscal et écologique; elle dispense les principaux usagers des routes, les plus riches, de toute contribution aux frais de voirie, de santé qu'occasionne la voiture et elle en encourage l'usage, nuisible à l'environnement (et à l'équilibre du commerce extérieur puisque la Belgique importe tout son pétrole).

Avant d'attaquer le menu, rappelons l'actualité: le leader officiel de la N-Va et le leader officieux de la majorité minoritaire au gouvernement dans le Plat Pays, Bart Dewever a catégoriquement rejeté l'idée de taxer les véhicules de société.

Cette idée circule beaucoup en Flandre puisque l'absence de taxe sur ces véhicules représentent à elle seule un manque à gagner de quatre milliards d'euro pour le contribuable, 1% du PIB.

Extrait de l'article de l'Echo (ici, en français)
Le président de la N-VA est descendu, mardi, de la Métropole jusqu’à Bruxelles, à l’invitation de l’Upsi (Union professionnelle du secteur immobilier). Après son speech et malgré avoir promis "de ne pas lancer de polémique" lors de cette apparition, Bart De Wever n’a pas pu s’empêcher de remettre plusieurs pendules à l’heure. Notamment sur les voitures de société. En Flandre surtout,le débat fait rage et a récemment été relancé par le politologue anversois Dave Sinardet. Faut-il revoir et corriger la fiscalité des voitures de société en Belgique? "Je vais tout de suite tuer cette idée dans l’œuf", a placé De Wever. "Cela ne se fera pas avec la N-VA dans un gouvernement, on a suffisamment ennuyé les gens avec ce débat lors du gouvernement Di Rupo."
Ceci nous amène à mettre notre grain de sable dans les rouages du débat public sur la question.

Un emploi est une convention capitaliste du travail régie par les quatre principes dégagés par Friot, pour rappel:

- la propriété lucrative

- le temps humain comme mesure de la valeur

- le prêt usuraire / la dette

- le marché du travail: l'humain est employé et cet emploi est considéré comme une marchandise quelconque.

La voiture de société est un mode de rémunération particulier. On peut rémunérer l'emploi de plusieurs façons :
- on peut rémunérer à la qualification du travailleur (il ne s'agit pas alors d'emploi au sens de convention capitaliste du travail telle que l'a définie Friot)
- on peut rémunérer à la qualification du poste de travail. L'employé cherche à obtenir un poste bien qualifié sous peine de se voir condamné au chômage. Une fois le contrat d'emploi signé, le travailleur bénéficie d'un statut, de droits sociaux et ... d'un salaire déterminé. Ce type de rémunération implique une socialisation partielle de la valeur ajoutée puisque des cotisations qui y sont liées ouvrent la porte à des prestations salariales sans employeur.

- on peut rémunérer à la tâche, à la pièce. Il ne s'agit alors même pas d'emploi. Les prostitué(e)s subissent ce genre de rémunération. Ce type de rémunération est la plus aliénante puisque, si le travailleur tombe malade, se blesse ou veut faire grève, il assume l'intégralité des coûts. Par ailleurs, la paie à la tâche empêche toute socialisation du salaire, toute pratique salariale de la valeur.

- on peut rémunérer en nature dans l'optique paternaliste du 19e siècle. Les ouvriers peuplent alors les corons mis à disposition par le patron, ils font leurs courses dans le magasin du patron (avec éventuellement des jetons donnés par le patron). Le système se nommait truck system outre-Manche.

L'emprise de l'employeur sur l'employé va croissant: la qualification de l'employé prévient l'intrusion de l'employeur sur les pratiques professionnelles de l'intéressé; la qualification du poste donne du pouvoir à l'employeur puisque c'est lui qui décide quel travailleur sera reconnu comme producteur de la valeur économique liée au poste de travail; la rémunération à la tâche permet le chantage permanent, l'angoisse constante de l'employé à la merci de son maître - un seul faux mouvement peut condamner à la faim; la rémunération en nature est assimilable à l'esclavage: il ne s'agit plus seulement de faire ce que l'employeur exige, il faut être un bon ouvrier, un bon pauvre, il faut conformer son être aux attentes du patron.

C'est dans cette forme de rémunération que s'inscrit la voiture de société. C'est une forme de rémunération qui permet l'asservissement maximum. Le moindre faux pas et l'intéressé perd son véhicule et le prestige social qui y est associé.

C'est donc cette forme de rémunération esclavagiste (et anti-écologique et fiscalement injuste, nous l'avons dit) qui constitue pour le leader du parti du Voka un tabou.

Les travailleurs électeurs de la N-Va devraient logiquement changer de syndicat et s'inscrire au Strass, au syndicat des travailleurs du sexe (voir ici).