Licenciement

  • Un exemple
 Lors de la dernière grève générale en Belgique, une employée que nous appellerons "Raymonde" a déplacé du linge d'un magasin d'une franchisée d'une grande enseigne qui refusait de faire grève. Raymonde était employée mais n'a rien à voir avec le magasin dans lequel se sont déroulés les faits; Raymonde était en grève et n'était pas sur son lieu de travail.

Sans nous prononcer sur la nature de l'acte - déplacer du linge d'un magasin de vêtements pour protester contre le fait de ne pas suivre une grève - les réactions qu'il suscite éclairent sur la nature du licenciement.

Pour certains, pour l'association patronale Comeos, il faut punir Raymonde de ses actes en la licenciant. Pour ces personnes, le licenciement est une punition légitime d'une employée quand elle pose un acte avec lequel l'employeur est en désaccord.

Extrait de l'article de La Libre Belgique (ici, en français)

Comeos, la fédération du commerce et des services, réclame au syndicat SETCa le licenciement de Raymonde Le Lepvrier, secrétaire régionale du SETca Namur, car elle juge inacceptable le comportement de cette dernière durant la grève nationale de ce lundi.

L'intéressée avait lancé des vêtements à travers un magasin de la rue de Fer à Namur pour obliger la gérante à fermer boutique. L'incident a été filmé et largement diffusé dans les médias. Lors d'un échange verbal houleux, Raymonde L. avait dit à la gérante que ce n'était pas correct par rapport aux autres d'ouvrir son magasin et avait lancé plusieurs vêtements à travers la boutique.


Le petit problème, c'est que cet acte a été posé lors d'une grève, c'est-à-dire dans un contexte extra-professionnel, dans un cadre où la gréviste n'était pas rémunérée par son employeur et n'était donc pas tenue par des obligations professionnelles.

Pour les Comeos et autres employistes du même tonneau, le droit de licenciement doit s'étendre comme punition contre des actes posés dans un cadre extra-professionnel. Le droit de licenciement se substitue aux codes pénal et civil. Pour ces employistes, ce droit doit être exercé par l'employeur, par le propriétaire lucratif de l'outil de production. Il permet de contrôler les faits et les gestes des employés même en dehors de l'emploi.

Cette nouvelle acception du droit du travail redessine les rapports sociaux dans le monde de l'entreprise. Si l'employé a l'heur de poser un acte qui déplaît à l'employeur - que cet acte soit légal ou non, peu importe - il est susceptible de subir la sanction du propriétaire.

Cela a deux conséquences:

- la propriété lucrative est liée à un ascendant moral. Si l'employeur n'aime pas les opinions politiques, les mœurs, les habitudes ou les engagements de son employé, il est habilité à le punir, à le licencier, c'est-à-dire à le renvoyer à l'inexistence économique et à la marginalisation sociale. Par exemple, un employeur réactionnaire peut légitimement renvoyer une employée fille-mère parce qu'il juge son comportement inacceptable; un employeur peut renvoyer légitimement un employé communiste (ou anarchiste, témoin de Jéhovah ou européiste, peu importe).

- l'employé est lié moralement à son employeur, il doit lui rendre des comptes pour ce qu'il fait à tout moment. En plus d'être dépossédé de toute décision sur le travail, sur l'affection de la valeur ajoutée qu'il produit, sur le cadre et le fonctionnement de l'entreprise, l'employé doit aussi être une personne convenable à tout moment pour son patron.

 Ces deux conséquences rétablissent de facto le droit de servage. Par ailleurs, dans cette optique, le refus de rapport sexuel peut également être invoqué comme motif de licenciement légitime.

  • Définition théorique et ressources

Le licenciement est le droit du propriétaire lucratif de priver un producteur de la reconnaissance de son statut de producteur de valeur économique. Ce droit est détenu exclusivement par le propriétaire des moyens de production, c'est un droit sur autrui qui permet de le renvoyer au néant économique, à la galère, à la misère, à l'aiguillon de la nécessité en toute circonstance.

L'arbitraire du droit de licenciement n'est possible que parce que ce sont les postes de travail qui sont qualifiés et non les travailleuses et les travailleurs et parce que le salaire est conditionné à l'emploi, à la vente de temps de travail à un propriétaire lucratif motivé par le gain financier.

Ressources légales en France ici