Usure

  • Définition

L'usure désigne aujourd'hui un prêt à un taux excessif, comme les microcrédits au Maroc, par exemple (voir ici).

  • Histoire dans le christianisme

Mais, autrefois, l'usure désignait tout type de prêt avec intérêt. L'Église catholique avait condamné l'usure (quel que soit le taux d'intérêt, donc) au Concile de Nicée au VIIIe siècle. Charlemagne a repris cette condamnation sans équivoque dans ses Capitulaires.

Cette condamnation de l'usure vient aussi bien des Évangiles que du mépris d'Aristote pour la chrématistique. Pour citer Thomas d'Aquin:

Recevoir un intérêt pour l’usage de l’argent prêté est en soi injuste, car c’est faire payer ce qui n’existe pas ; ce qui constitue évidemment une inégalité contraire à la justice... c’est en quoi consiste l’usure. Et comme l’on est tenu de restituer les biens acquis injustement, de même l’on est tenu de restituer l’argent reçu à titre d’intérêt.

Jean Calvin est le premier théologien qui autorisera l'usure au sens ancien, le prêt avec intérêt.

Du point de vue de la foi, nous nous contenterons de souligner que la création de l'argent à partir de rien est un péché (seul Dieu peut créer à partir de rien) et vendre le temps de Dieu est un péché de simonie.

  • Dans l'islam

De même, dans le monde islamique, la riba (ربا‎), l'intérêt est interdit dans la jurisprudence économique islamique et considéré comme un péché majeur - y compris des gains indus dans le commerce ou les affaires généralement par l'exploitation (incluant donc l'emploi). On ne peut faire de bénéfice excessif.

Il y a deux types de riba: une augmentation de capital sans prestation de service et la spéculation - interdite par le Coran et l'échange de biens en quantité inégales - ce qui est aussi interdit par le Coran.

  • Les mathématiques
L'usure (au sens ancien de prêt à intérêt) pose deux problèmes.

- L'argent à rembourser est plus élevé que l'argent créé d'une façon ou d'une autre, il y a forcément un moment où l'argent à rembourser sera plus élevé que l'argent existant, ce qui est impossible dans la mesure où les gens souhaitent réaliser leur capital ou, pour le dire autrement, ce gouffre entre les créances et la solvabilité totale des débiteurs ne peut continuer à fonctionner que dans la mesure où les créanciers ne réclament pas tout de suite leurs dettes.

- Plus inquiétant, si l'on considère la dette totale de tous les êtres humains, de toutes les institutions comme un tout, on arrive à une somme sur laquelle sont prélevés des intérêts chaque année. Les débiteurs remboursent, d'autres s'endettent mais, globalement, le chiffre de la dette totale ne baisse pas et est grevé d'intérêt. Le total des dettes humaines est donc multiplié par 1+TI chaque année, avec TI=taux d'intérêt moyen.

Au bout de n année, la dette totale sera égale à la dette initiale multipliée par 1+TI exposant n. Ceci définit une fonction exponentielle, nécessairement une pyramide de Ponzi.

  • L'économie

Le système de dettes croissantes du fait de taux d'intérêt produit nécessairement une concentration de la richesse.

Les créanciers ont des avoirs qu'ils ont pris du travail des autres, ces créanciers sont rémunérés par des intérêts, ce qui augmente leurs avoirs alors que les débiteurs sont appauvris par les intérêts, ce qui les poussent dans la misère.

La concentration de la richesse oblige les prolétaires à brader leur temps de travail, ce qui augmente le temps d'emploi et diminue le salaire mécaniquement. L'usure a donc un lien avec l'emploi: c'est un moyen de pression sur l'endetté pour qu'il se soumette à la logique de l'activité soumise à l'emploi.

L'interdiction de l'usure (au sens ancien de prêt grevé d'un intérêt, aussi petit soit-il) prend son sens puisque c'est une manière de diminuer la pression de la misère sur les pauvres et d'éviter l'effondrement d'une société du fait de ses inégalités.

Sous le poids de l'usure, la société devient trop inégalitaire. Les outils de production sont accaparés par une petite minorité alors que la grande majorité de la population est écrasée par les dettes. Cette majorité doit se vendre comme esclave à des prix de plus en plus ridicules. La baisse des salaires de la majorité la précipite dans la faim, dans la maladie et dans la misère. La majorité devient improductive alors que les ressources accaparées par une minorité sont laissées en friche. L'économie de la société inégalitaire ploie sous les charges régaliennes nécessaires à maintenir l'ordre face aux tensions sociales nées de l'inégalité. 

Le monde inégalitaire finit toujours par s'effondrer. Les seules interrogations portent sur le moment et la façon.