Synallagmatique

Terme juridique (article 1102 du code civil français). Du grec συναλλαγματικος « relatif aux contrats ».

Signifie "qui suppose un échange d'obligations réciproques". Selon le Dictionnaire de Serge Braudo (ici, en français),
Le contrat est dit "synallagmatique" ou "bilatéral", lorsque ses dispositions mettent à la charge de chacune des parties ayant des intérêts opposés l'exécution de prestations qu'elles se doivent réciproquement. Tel est le cas de la vente ou du contrat de bail. L' adjectif exprimant le contraire de synallagmatique est "unilatéral". La donation qui est consentie sans charges pour le donataire, est une disposition unilatérale.

Cette notion juridique fonde le code du travail et l'en différencie du code civil. Le code civil régit le droit entre pairs, entre parties égales en droit alors que le code du travail régit les rapports d'emploi entre parties par définition inégales.

Cette notion de synallagmatique peut sembler abstraite et absconse mais elle traduit en droit l'inégalité des parties dans le contrat de travail.

Cette inégalité amène un droit du travail particulier distinct du droit civil.

L'aiguillon de la nécessité que subit le producteur est d'un autre ordre que l'envie de plus-value du propriétaire lucratif. Comme les parties sont dans des contextes asymétriques, elles s'inscrivent dans des rapports de force que reconnaît un droit du travail spécifique, synallagmatique.

La loi Macron entend faire passer le contrat de travail pour un contrat civil entre pairs. Elle entend nier le caractère synallagmatique du code du travail.

Ce faisant, en niant la réalité de l'inégalité des rapports de force dans le contrat d'emploi, la loi Macron permet d'enfoncer un peu plus dans la misère, dans l'exploitation les producteurs et dans le lucre les propriétaires lucratifs.

La loi qui abroge le caractère spécifique du code du travail, son caractère synallagmatique jette aux oubliettes les acquis (juridiques) des luttes sociales. Un enfant qui travaille pour sa pitance peut "librement" passer un contrat avec un patron multimillionnaire pour gagner "librement" la somme que les parties en présence auront définie "librement" par consentement mutuel. Cet enfant au travail à venir n'aura sans doute pas un salaire glorieux, ni une retraite glorieuse: il prendra ce qu'on voudra bien lui concéder. L'employeur de cet enfant pourra "librement" proposer une somme d'argent horaire, des conditions de travail que l'enfant pourra en toute "liberté" accepter.

On voit combien la négation juridique de l'inégalité, de la violence sociale dans les rapports d'emploi permet d'en multiplier les nuisances. L'abrogation de la reconnaissance de la synallagmatique signifie le retour de l'esclavage, à ceci près que le maître de l'esclave avait intérêt à ne pas le laisser mourir de faim alors que l'employeur peut sans problème remplacer sa main d’œuvre morte de faim.

A minima, la suppression du caractère synallagmatique du code du travail impliquerait une égalité de fait entre les parties pour être juridiquement fondée. Cette égalité de fait entre les parties signifierait que

- l'employeur n'aurait pas de prise sur le salaire de l'employé
- le fruit du travail de l'employé lui appartiendraient pleinement (la propriété lucrative serait donc abrogée de jure ou, à tout le moins de facto).

Une abrogation juridiquement fondée de l'aspect synallagmatique des rapports de travail impliquerait une redéfinition radicale de ses derniers pour être juridiquement fondée et à cette condition-là peut être envisagée. Avec des thuriféraires de la propriété lucrative et de l'esclavage employiste comme ce Macron, on en est loin.

À ce sujet, Laura Raim résume les enjeux juridiques, sociaux, de cette loi qui réorganise la violence des rapports sociaux (ici, en français).

"Liberté et "consentement" du travailleur

Jusqu’à présent, le contrat de travail se caractérisait par un « lien de subordination juridique permanent », le salarié étant sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. C’est précisément pour compenser ce rapport fondamentalement inégalitaire qu’ont été élaborés le Code du travail puis les conventions collectives. Le Code, qui remonte à 1910, n’a cessé de se renforcer depuis, ses lois sociales obligeant l’employeur à payer non seulement l’acte productif, mais aussi le repos, les congés payés, le logement, le transport, la formation, la protection contre le chômage, les accidents du travail, la maladie et la vieillesse.
Des contraintes dont rêve de se débarrasser le Medef, qui se bat depuis 1999 pour passer d’un contrat du travail synallagmatique (supposant un échange d’obligations réciproques) et collectif à un contrat civil individuel négocié de gré à gré. « Nous préconisons une réforme de la Constitution afin de reconnaitre le droit à la négociation, et de permettre aux représentants des employeurs et des salariés de fixer les modalités d’application des principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale », expliquait l’ancienne présidente du Medef Laurence Parisot aux Échos en 2006.
Dans ces conditions, le salarié aurait toute "liberté" de "consentir" à travailler le dimanche, la nuit ou soixante heures par semaine, sans être bridé par les "rigidités du code du travail", qui représentent selon le député socialiste Jean-Marie Le Guen « un redoutable tabou national » et « un puissant répulsif de l’emploi ».

Inégalité du rapport de force

Le texte d’Emmanuel Macron avance discrètement dans cette direction, en proposant de modifier l’article 2064 du code civil qui interdit de recourir à une simple convention à l’amiable pour les différends s’élevant à l’occasion d’un contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail (licenciement, harcèlement…). Le code civil estime en effet qu’en raison de l’inégalité du rapport de force, un différend entre un employeur et un salarié ne peut se régler par la même procédure qu’un différend entre deux particuliers. C’est donc sur ce point que veut revenir Macron. Comme l’explique sur son blog Gérard Filoche, membre du bureau national du PS et ancien inspecteur du travail, non seulement le salarié pourra alors "librement" renoncer aux droits du Code du travail, mais le règlement des litiges issu du nouveau contrat de droit civil ne pourrait plus être confié à la juridiction prud’homale.