Aussi incroyable que cela paraisse, une perspective anti-employiste ne s'oppose pas nécessairement au patronat. Il faut distinguer deux niveaux différents:- Les patrons-propriétaires incarnent une logique, celle du capital, doivent servir l'intérêt du profit, de la productivité du travail. Ils sont à ce titre des séides de l'emploi le plus borné, ils s'opposent au salaire (qui s'oppose au profit dans la distribution primaire de la valeur ajoutée) et doivent dégrader les conditions de travail pour ce faire, ils doivent augmenter le temps d'emploi. Nous nommerons ce type de patron 'employeur' pour être clair.
- Le patron peut aussi être un producteur qui souhaite exercer une activité quelconque. Il souhaite alors entreprendre, créer une activité, fédérer autour de lui une équipe, etc. Ce patron-là n'est pas l'ennemi des producteurs puisqu'il fédère la créativité du travail social dans un projet commun. Il n'est pas l'ami de l'emploi, ni l'ennemi du salaire, il souhaite exercer une activité. Nous nommerons ce type de patron 'entrepreneur' pour être clair.
Dans la mesure où l'activité du patron ne s'oppose pas à l'environnement, à la vie privée ou à la santé physique ou mentale des salariés, nous ne voyons pas en lui nécessairement un ennemi, il peut même intégrer le cercle des producteurs. Nous appelons les entrepreneurs à lutter contre l'emploi et pour le salaire, nous appelons les entrepreneurs à lutter contre les employeurs... pour pouvoir entreprendre, cessez d'employer.
Par contre, l'entrepreneur est l'ennemi objectif de l'employeur. Réaliser un objectif (de nature plus ou moins économique) s'oppose à l'appât du gain. Réaliser un objectif, c'est
- le faire, ce qui demande du temps et de la créativité, ceci s'oppose à la prolétarisation exigée par le profit
- l'organiser, ce qui demande du travail social, ceci s'oppose au management imposé par l'obsession du profit
- se construire, construire une reconnaissance sociale dans l'ouvrage, ceci s'oppose au vampirisme des actionnaires ou des créanciers
- construire le monde, le changer, y apporter sa subjectivité, ceci s'oppose à la nécessaire standardisation de la production industrielle
- réfléchir et construire des stratégies efficaces pour y arriver, ce qui ne peut se faire sous la pression de la concurrence
- coordonner des actes productifs, des producteurs, ce qui implique un esprit de coopération incompatible avec l'esprit vénal de l'activité lucrative
