Le temps est une donnée physique. L'espace-temps est par exemple déformé par une masse locale, il est également lié à la vitesse du repère et son accélération par rapport au point intéressé. Le temps est une dimension locale, liée à un environnement local, au repère considéré. Le temps est relatif dans sa dimension physique-même.
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Le temps est ce qui construit dans le jeu le cerveau, les aptitudes psychologiques, motrices des mammifères. Du point de vue de la génération de l'espèce (phylogénétique), on dira que le temps est l'avènement des capacités de l'espèce à se survivre, à survivre à un environnement en mutation, à se reproduire. Du point de vue de l'espèce, le temps est le siège non réversible des adaptations, des interactions avec l'environnement des membres de l'espèce.
Du point de vue psychanalytique, certaines régions du temps ont un statut particulier. La prime enfance construit les couches les plus profondes d'un être psychique dont les performances ultérieures ne sont en quelque sorte que des émanations - ou que des adaptations - de ce temps fondamental. Le temps n'est pas réversible et il n'est pas linéaire dans la construction psychique. Il y a des nœuds (l’œdipe, l'anal, le trauma, etc.) qui organisent la construction psychique, la perception temporelle du sujet ultérieures.
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La méditation, la quête religieuse, le temps-mystère est la recherche d'une temporalité hors du temps. Il s'agit de révéler l'aspect infini du moment même du temps, il s'agit, en s'extrayant momentanément des contingences temporelles, d'en révéler par les sens, le chiffre, le fonctionnement, la logique profonde. Le Bouddha dans son illumination est suspendu hors du temps parce que son temps a trouvé sa vérité propre, Jésus dans sa prière ne sent plus le temps parce qu'il le trouve, l'incarne, le devient, Mohammed dans la révélation du Coran s'extrait du temps, il n'y est plus et, partant, y est pleinement. Le temps est un mystère à comprendre, à comprendre de manière sensitive, pas intellectuelle. La quête de ce temps est une aventure mystique sans fin, c'est un Graal. La quête du temps, de l'incarnation du sens habite les mystiques issues de toutes les religions, c'est la hutte de sudation indienne ou les pèlerinages, dans le temps de la marche et de l'impatience religieuse, à La Mecque, à Jérusalem, à Saint-Jacques de Compostelle. Ce sont aussi ces pèlerinages dans son propre passé, dans les lieux, les moments qui ont fait sens, dans le regret des disparus, dans la souffrance de ceux qui demeurent. Le temps fleurit les tombes, il peuple les évocations du passé d'amis peu à peu éloignés.
Le temps est siège du souvenir, du jeu, des événements marquants. Ces dimensions s'organisent dans un espace de représentation symbolique analogique sans aucun respect pour quelque trame narrative que ce soit, pour quelque linéarité temporelle que ce soit.
On commémore, on discourt, on reconstruit le passé dans une perspective bien comprise d'intérêts présents. On récupère tel fait historique, on l'interprète de telle ou telle façon pour en faire un objet agissant. Les révolutions sont paradoxalement souvent tournées vers le passé: c'est la fin d'un usage, d'un droit, d'une habitude antérieure par de nouvelles pratiques moins justes qui pousse le peuple furieux dans la rue. C'est l'abolition d'une justice antérieure, c'est l'exagération ou l'irruption de nouvelles injustices qui font tourner la roue du destin public.
Dans l'hindouisme ou chez Nietzsche, le temps a un caractère cyclique. Ce qui est fut et sera à jamais. Cet aspect cyclique nous est familier sous les climats tropicaux et tempérés: nos saisons reviennent après une absence, fidèles (parfois capricieuses) elles comptent nos âges, accompagnent les moments de la vie, restent associées à la perte d'un être cher, à l'avènement d'un amour, à un choix malheureux. Si la lune ou le soleil marquent les cycles de bien des civilisations, c'est globalement la vision des Parques qui s'impose: la vie même est un processus répété, la première Parque met le fil, la deuxième le tisse, la troisième le coupe et l'opération recommence dans le mystère du renouvellement de la vie.
Le rythme du temps ponctue et peuple nos existences. On retrouve le rythme fondamental de la respiration, du cœur, on retrouve le rythme de la marche. Même le temps pour les physiciens modernes a été défini selon le principe du rythme à partir de la seconde:
« La seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les niveaux hyperfins F=3 et F=4 de l’état fondamental 6S½ de l’atome de césium 133 »Le rythme du temps appert dans la poésie - les pieds latins puis le compte syllabique français, par exemple - dans toutes les langues du monde. Si l'anglais, l'allemand, l'arabe, le perse ont leurs règles de versification propres, toutes ces langues (et les autres) ont trouvé leur propre façon d'organiser le rythme de leurs vers.
La versification a inspiré la musique. Toute musique a son rythme, son alternance de musique et de silence, propres. Il en est comme des langues, aussi nombreuses que riches sur notre terre, chaque type de musique crée son propre génie, son propre rapport aux temps, aux soupirs, aux notes.
Et c'est bercés par ces ritournelles, ces airs que nous évoquons le temps proustien, la synesthésie qui à un moment associe une odeur, un air de musique, une image. L'association de la perception temporelle et de la perception sensorielle permet des sauts temporels incontrôlés, elle ouvre au souvenir et - sous hypnose - à l'extraction du refoulé.
Le temps, c'est aussi le temps ensemble, le temps d'un couple, d'une famille, d'amis, le temps partagé. Ce temps commun construit les communautés, il peuple les existences. Pour Simondon, l'individuation sociale dont ce temps est porteur permet aux dimensions psychiques et sociales de l'être humain de s'individualiser, de s'incarner, de devenir. Dans cette perspective, le temps commun est ce qui sépare la vie réelle de la vie potentielle par la magie de l'individuation, de l'expérimentation temporelle de sa singularité. L'individuation sociale de l'être humain est une dimension vitale de son existence - sans cette dimension sociale du temps, ni le langage, ni la pensée humaine ne sont concevables.
Voilà quelques considérations pour le temps vivant, voyons maintenant le temps mort.
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Et, pour venir à ce qui nous intéresse ici, la seule dimension du temps conservée dans l'emploi, c'est celle de la rentabilité: il faut produire le plus possible par unité de temps. L'emploi est la vente du temps vivant, c'est sa transformation en temps mort, en temps comptable. Le temps humain tué est le fondement de la valeur ajoutée, c'est la quantification du temps humain vendu qui va déterminer finalement la valeur attribuée aux biens et aux services produits dans le capitalisme.
Il s'agit alors d'être plus rapide, de produire davantage de valeur par unité de temps sous la pression de la concurrence, de nos voisins, de nos frères de douleur transformés en compétiteurs mais vous voyez sans doute déjà trop bien ce dont je veux parler.
Le signe du temps comptable, du temps qui compte et ne perd, du temps des voleurs de temps, c'est l'horloge.Michael Ende, dans son roman Momo, parle des Zeitraübern, des voleurs de temps en gris. Ils proposent aux gens de thésauriser leur temps dans des comptes - ce qui leur en fera gagner au bout du compte, disent-ils. Cette opération d'épargne du temps tue le temps vécu, elle grise d'un hiver froid le temps commun, le temps partagé. De manière symbolique, le temps volé, thésaurisé devient l'ennemi du temps en couleur, l'enfant-écoute qu'est Momo dans le roman de Ende devient l'histoire et permet la narration de soi. C'est cette écoute qui viendra à bout du temps utilitariste des voleurs des temps, des terribles Zeitraübern.
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Puis, elle s'est fait puce, est devenue téléphones, gadgets périssables ou autres ordinateurs miniatures. Pour lire, pour écrire, pour calculer, pour manipuler des images ou pour parler, l'horloge est là, dans une fenêtre, chant du cygne de l'aventure bourgeoise, boutiquière, pingre et comptable des drapiers, des marchands, des joailliers, des banquiers de tous poils pour qui le temps est un bien rare, un bien à garder, un bien à thésauriser.
Le temps est séquencé dans la vie intime suivant le modèle du temps compté, du temps mort de la production économique capitaliste. Les saisons ne comptent plus, ce sont les horaires d'école qui impriment la trame de nos journées, les horaires d'usine ou de bureau ponctuent nos moments de famille. La logique du temps s'immisce partout, la vie privée la plus secrète, la plus intime y est
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Souvenir de ... La Mecque |
L'essentiel, c'est de participer.
Avant que, d'un rire fragile, l'enfant s'en émiette en souvenir évanescent. La vérité du temps demeure et mange ses grimaçants avatars.