- Histoire
fait sa première apparition le 17 août 1781, sous la pression des corporations et de la police. C'est un petit cahier qui identifie l'ouvrier, enregistre ses sorties et ses entrées chez ses maîtres successifs lors de son tour de France. À l'époque, ce livret doit être paraphé selon les villes par un commissaire de police ou par le maire ou l’un de ses adjoints. Le premier feuillet porte le sceau de la municipalité, et contient le nom et le prénom de l’ouvrier, son âge, le lieu de sa naissance, son signalement, la désignation de sa profession et le nom du maître chez lequel il travaille.
L’ouvrier est tenu de faire viser son dernier congé par le maire ou son adjoint, et de faire indiquer le lieu où il propose de se rendre. Tout ouvrier qui voyage sans être muni d’un livret ainsi visé est réputé vagabond, et peut être arrêté et puni comme tel. Le livret est supprimé sous la Révolution et rétabli par le premier consul en 1803 (loi du 22 germinal an XI — 12 mars 1803 — et arrêté du 9 frimaire an XII — 1er décembre 1803) afin de « domestiquer le nomadisme des ouvriers2 ».
Le livret d'ouvrier comporte aussi un rappel de l'interdiction des coalitions d'ouvriers. Le patron garde le livret pendant tout le temps où l'ouvrier travaille chez lui. L'ouvrier ne peut donc pas partir quand il le souhaite. Toutefois, à partir de 1854, le livret est laissé aux mains de l'ouvrier (loi du 22 juin 1854).Il est mis en service le 12 avril 1803 sous Napoléon Ier et ne tombe en désuétude qu'en 1890. Par son existence, ce document transforme l'ouvrier en immigré intérieur et en mineur légal, il le met à la merci de son employeur.
Ce document est humiliant, il viole la présomption d'innocence et entrave la liberté de circulation (et ... de travail!).
- Le Huiji - système de délivrance des passeports intérieurs, les hukou.
Selon Wikipédia,
En République populaire, la gestion et la délivrance de hùkǒu relèvent des Bureaux de la sécurité publique (commissariats) dépendant du Ministère de la sécurité publique. C'est également le nom de la carte de résident que reçoivent les personnes qui ne sont pas encore domiciliées dans une ville (souvent des frontaliers, notamment à Shenzhen).
La domiciliation du hùkǒu conditionne l'accès et la tarification des écoles et autres services. Si la modification de ce domicile est aisé pour les diplômés et propriétaires de logement, le changement de ville est beaucoup plus compliqué pour les citadins non diplômés, voir impossible pour les paysans venus en ville. Le hùkǒu est un moyen pour les villes de réguler l'exode rural.
À l'inverse aujourd'hui de plus en plus d'enfants nés et ayant grandi en ville partent travailler à la campagne et sont donc obligés de demander également un hùkǒuCe document laissé à la discrétion des autorités permet d'organiser la main-d’œuvre chinoise en strates étanches. Les paysans demeurent dans leur misère, les urbains restent dans leur luxe sans que l'immigration intérieure ne puisse déranger cet ordre.
Dans le système de livret ouvrier comme dans celui de Huiji, l'individu est susceptible d'être privé de ses (rares) droits par l'administration ou par l'employeur. Ces systèmes sont des freins au libre-arbitre, à la libre association ou à la lutte sociale puisque les punitions juridiques, la criminalisation des mouvements sociaux traditionnelle, se doublent d'exclusion de la société et de la vie économique par le biais des passeports de travail. C'est un instrument administratif qui garantit la soumission des travailleurs, leur craintive docilité.
- Le CV
Le CV contrôle lui aussi la conformité sociale du travailleur.
Comme il est rédigé par l'intéressé et non par une tierce administration, le travailleur peut y mettre théoriquement ce qu'il veut. Il peut remplir ses moments d'errance, de maladie ou de repos en valorisant des activités annexes, il peut taire son implication politique ou sociale, il peut cacher son engagement de travailleur.
Par contre, comme c'est le travailleur lui-même qui rédige le document attestant sa conformité par rapport au monde de l'emploi, cet exercice lui fait intérioriser les valeurs de l'emploi (soumission, absence de désir ou de puissance, compétence sans sens, engagement envers une compagnie qui ne s'engage pas, flexibilité, absence de revendication sociale, etc.). Le système du CV paraît moins contraignant que celui du huiji mais il conforme les attentes et les représentations mentales du travailleur de manière plus efficace.
On signalera tout de même que, sur un CV, doit figurer
- l'identité et l'adresse du travailleur, son numéro de téléphone et son adresse électronique officielle
- les expériences professionnelles
- le parcours scolaire
- une photo d'identité
et que tout cela doit pouvoir être vérifiable: il faut les coordonnées des anciens employeurs, des établissements scolaires. L'employeur potentiel est libre de recouper toutes les informations du CV de son propre chef (les adresses et les numéros de téléphone des employeurs et des organismes de formation y figurent). Il peut également vérifier les CV en ayant recours aux moteurs de recherche sans même que l'employé le sache.